__Le ciel est sombre. Au loin les cloches de l’église sonnent. L'horizon s’efface, et le monde se cache. __Seul la terre tremble autour de moi... je l'entends gronder... sous le galop des chevaux ! __Plus rien ne me fera reculer maintenant. Je dois arriver aux portes de la ville, où ce seront les hurlements des femmes, les pleurs des enfants et la détresse de l'humanité qui m'écraseront sous leur poids.
__Je me remets en selle, et je sens ma monture tressaillir. __Encore un peu de courage fidèle compagne... l'espoir n'est plus loin. __Elle se cabre. Et un éclair pourfendeur de ténèbres éventra les nuages de sa lumière. Puis nous voila dans la frénésie d'une course, à travers la campagne vallonnée. Tout n'est que folie. J'entends les cavaliers qui se rapprochent derrière moi... qui se rapprochent encore et encore... toujours plus près, toujours plus vite. Et par devant je les distingue presque, ces murs d'enceinte qui s'esquissent et s'élèvent au fur et à mesure que ma perte se rapproche. __Un sifflement. Puis d'autres. Une douleur lancinante me traverse le dos... et m'attire vers le sol. Je m'agrippe solidement à l'encolure de ma jument, cette belle alezane aux crins dorés à qui le vent a fait don de célérité. Elle m'emporte, moi qui suis maintenant son fardeau... elle m'emporte vers les portes de ma destiné. __Messager sur la route ! Cavaliers à ses trousses ! __J'entends crier... J'entends ordonner ... Et je les entends se rapprocher. La respiration rauque de ma monture résonne en échos ? Non ! j'entends celle des autres chevaux. J'entends le claquement des cravaches, le martellement des sabots, les grognements des hommes ! Je frissonne... j'ai si froid et je me sens si faible. Pourtant je suis si proche... __Tirer ! __Encore ces sifflements... mais cette fois je ne m'enfuis pas d'eux. J'avance ! __Ouvrez les portes ! __Enfin les voilà qui me cèdent un passage dans leur bâillements qui grincent et qui craquent. Elle m'avale, dans sa bouche béante qui immédiatement se referment sur moi.
__Ma monture s'immobilise. Et la silhouette d'un homme accourt vers moi... __Que dit-il ? Je ne l'entends pas... Je ne l'entends plus. Cependant je sais ce qu'il me reste à faire, et dans un dernier effort, je sors l'objet de toutes les convoitises... ce rouleau scellé qui détient toute la vérité. __Je m'effondre... le capuchon de mon manteau avec moi. Et mes longs cheveux de feu s'échappent dans mon derniers souffle... ils sont si beaux à la lueur des lanternes. __J'étouffe. __Un filet de sang s'écoule de ma bouche... rouge écarlate, comme la pierre qui orne le cœur de ma bague. Les émeraudes de mes yeux s'éteignent... J'entends hurler, j'entends pleurer, et j'entends cette détresse tant redoutée ! __Celle d'un père qui voit mourir sa fille.